• La matière de notre Univers est sans cesse observée, en vue d’en connaître les propriétés et les lois physiques. Mais des effets gravitationnels, prédits par les théories, ne coïncident pas avec les observations du ciel, ce qui a amené les astrophysiciens à l’hypothèse qu’une grande partie de la matière nous reste invisible. La matière baryonique "ordinaire"  ne représente qu’un sixième de la matière présente de l’Univers ; le reste, de composition encore inconnue, ne subit pas l’interaction électromagnétique et n’est donc pas visible, elle est ainsi appelée "matière noire". Sa présence ne peut être détectée que par ses effets gravitationnels, ce qui n’est pas aisé car la gravitation est la plus faible de toutes les forces fondamentales.



    Conformément aux prédictions de la Relativité Générale, la lumière est déviée par les objets massifs de l’Univers, qui agissent ainsi comme d’énormes lentilles. Une galaxie lointaine  peut ainsi nous apparaître sous la forme d’un ou plusieurs arcs de cercle. 

    Pour la première fois, une équipe internationale de chercheurs du Caltech (CALifornia institute of TECHnology, Pasadena, USA), du Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (France), et du Max-Planck-Institut für extraterrestrische Physik (Allemagne), entre autres, ont établi une carte de la répartition de la matière noire dans une portion de l’Univers proche. Pour cela, ils ont utilisé le télescope spatial Hubble pour observer une zone du ciel couvrant l’équivalent de neuf fois la Lune. Dans cette zone, se trouvent des objets plus ou moins lointains, étoiles, galaxies... et d’étranges arcs de cercles.

     


     La théorie de la Relativité Générale, mise au jour par Einstein en 1916, prédisait que la trajectoire de la lumière doit être déviée par la présence d’un objet massif, comme une galaxie, un trou noir, ou encore par la matière noire justement. A cause de cet effet pour le moins surprenant, la lumière d’une étoile ou d’une galaxie lointaine peut nous apparaître déformée, sous la forme de plusieurs arcs de cercle, comme à travers une lentille : on parle de lentille gravitationnelle. Ce phénomène avait déjà été observé depuis longtemps, et les astrophysiciens s’en sont servi ici pour déterminer comment la lumière qui parvient jusqu’à nous a été déviée, quelle trajectoire elle a suivie, et donc quelle quantité de matière se trouve entre la galaxie émettant cette lumière, et nous.

     

    Grâce à l’observation d’un demi-million de galaxies dans cette tranche d’Univers, suffisamment de données ont été récoltées pour y établir une distribution des masses, et séparer les effets dûs à la matière ordinaire (dont la répartition a été déterminée grâce au télescope spatial XMM-Newton de l’ESA) de ceux liés à la présence de matière noire. Puisque la lumière a une vitesse finie, regarder loin dans l’Univers revient à regarder dans le passé ; quand on observe une étoile située à 7 millions d’année-lumière, on voit ce qu’elle était il y a sept millions d’années. Les chercheurs ont donc observé les galaxies lointaines et, grâce au Very Large Telescope et au télescope Magellan situés au Chili, mesuré leurs spectres, et leur décalage Doppler. Ceux-ci leur ont permis de comprendre comment la matière noire évoluait dans le temps. Ensuite, ils en ont déduit la répartition de la matière noire en 3D dans cette portion de l’Univers. Sa distribution n’est pas du tout homogène, mais forme des agglomérats et des filaments. La place qu’occupe la matière noire coïncide très bien avec celle de la matière visible.

     
    De telles conclusions confortent les modèles cosmologiques actuels, selon lesquels l’Univers aurait évolué depuis une distribution de masses à peu près homogène issue du Big Bang, vers sa structure actuelle, où les galaxies forment des amas et superamas, eux-mêmes organisés en immenses filaments. La matière noire aurait joué un grand rôle dans cette agglomération, en attirant la matière ordinaire dans ses filets. La forme et la densité des superstructures actuelles dépendrait donc fortement de la présence et de la distribution de la matière noire.

    Mais la matière noire reste un mystère, car sa composition n’est toujours pas connue. Les scientifiques savent juste qu’elle est massive, et joue un grand rôle dans l’histoire de l’Univers. Espérons que maintenant que l’on sait où elle se trouve, il sera moins ardu d’en déterminer la composition, et de mieux connaître ses rapports exacts avec la matière ordinaire. L’enjeu est une meilleure compréhension de notre Univers et de son évolution, passée comme future.


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  • Les trous noirs, objets hypermassifs dont rien ne réchappe, sont souvent entourés de matière orbitant autour d’eux et sombrant en spirale vers l’astre qui l’engloutit. Ce faisant, cette matière subit une accélération folle et émet des rayons X très intenses. C’est ce qui permet de détecter et d’observer les trous noirs, ainsi que d’en déduire les propriétés. Par contre, ce rayonnement X intense empêche souvent toute observation de l’environnement direct du trou noir, ainsi que d’en mesurer le rayon avec une précision suffisante. Sauf si...


    Au début du mois d’avril, le satellite Chandra a surpris un événement pour le moins rare : une éclipse de trou noir. La cible était le trou noir situé au centre de la galaxie NGC 1365, située à environ 60 millions d’années-lumière. Un nuage de gaz est passé entre la source de rayonnement et le satellite, lui permettant de prendre des images beaucoup mieux contrastées du disque d’accrétion. 

     

    Représentation du nuage qui a éclipsé le rayonnement du coeur du trou noir. 

    Le diamètre mesuré du disque d’accrétion est ainsi estimé à un milliard de kilomètres, soit sept fois la distance Terre-Soleil, ou encore dix fois le rayon supposé du trou noir. Ces résultats sont cohérents avec les prédictions des modèles théoriques. 


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  • Dans le cadre de la recherche d’exoplanètes (planètes orbitant autour d’une autre étoile que notre Soleil), le réseau de télescopes hongrois HAT (Hungrian Automated Telescopes) observe les variations de luminosité dans l’Univers ; en particulier, lorsque la luminosité d’une étoile diminue, alors il y a des chances pour que la cause soit le mouvement d’une planète autour de cette étoile.

     


    C’est grâce à ce réseau de télescopes que les astrophysiciens ont découvert une nouvelle planète, orbitant autour d’une des étoiles du système double  ADS 16402, situé dans la constellation du Lézard (Lacerta) à 450 années-lumière de la Terre. Les deux étoiles sont distantes de 225 milliards de kilomètres, et âgées de 3,6 milliards d’années (plus jeunes que notre Soleil donc). 


    La planète a été nommée HAT-P-1b [2], et les caractéristiques extraites des données observées déroutent : elle aurait une masse égale à 0,53 fois celle de Jupiter, mais serait 1,38 fois plus grande, ce qui lui confère une densité égale au quart de celle de l’eau. Elle orbite autour de son étoile en 4,46 jours terrestres, à une distance de 7,5 millions de kilomètres environ, soit un vingtième de la distance Terre-Soleil.


    Le diamètre de HAT-P-1b est 24% plus grand qu’estimé par la théorie, et sa densité très faible intrigue également les scientifiques. Ces données viennent compléter celles déjà obtenues sur une autre exoplanète, HD 209458b, et remettent en cause les modèles actuels de formation des planètes.


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  • Le satellite CoRoT commence son service, et apporte déjà des résultats. Sa mission, dont nous parlions avant son lancement dans cette brève, est double : observer des planètes dans des systèmes solaires lointains par la méthode du transit , et étudier l’activité de surface des étoiles, leurs séismes -ce qui s’appelle l’astérosismologie.
     

    CoRoT pointe vers l’anti-centre de la galaxie afin d’entamer sa première phase, l’"initial run" (IR1). Cette phase vise à régler les capteurs CCD du télescope, identifier les différentes sources de bruitage, optimiser les algorithmes de correction... Des réglages qui ont pris plusieurs semaines, et demandent encore à être affinés. Le 2 avril, CoRoT a été retourné vers le centre de la galaxie pour débuter une seconde phase, le "short run" (SRc01) jusqu’en mai. Et cette phase a été particulièrement prolixe et prometteuse en terme de résultats scientifiques.

     

    CoRoT a en effet déjà permis de découvrir une nouvelle planète, orbitant autour d’une naine jaune, étoile similaire à notre Soleil, située à environ 1500 années-lumières de nous, dans la constellation de la Licorne. Nommée COROT-Exo-1b, cette planète effectue une révolution autour de son étoile en un jour et demi. Il s’agirait d’une géante gazeuse, ayant un diamètre de 1,78 fois celui de Jupiter. Des mesures spectroscopiques ont permis d’estimer sa masse à environ 1,5 fois celle de Jupiter.


    Les observations ont également permis d’atteindre une résolution et une précision jusque là jamais atteintes par un tel satellite, meilleures même que ce qui avait été espéré au lancement de la mission. Les incertitudes sur les mesures de transit atteignent cinquante millionièmes, et pourraient encore descendre jusqu’à vingt millionièmes en cas d’observation continue pendant plus de vingt-cinq révolutions d’une planète, selon les chercheurs. Une telle acuité permettra d’observer des exoplanètes de tailles similaires à celle de la Terre, et même d’observer la lumière réfléchie par ces planètes, ce qui donnera, par analyse spectrométrique, des indications sur leur composition. 


    la planète COROT-Exo-1b orbitant autour de son étoile.
    Cette planète est une géante gazeuse, du même type que Jupiter.

     L’astérosismologie quant à elle, s’opère en analysant les oscillations de la lumière émise par l’étoile, et devrait bénéficier d’une précision toute aussi impressionnante. CoRoT a ainsi observé une étoile similaire à notre Soleil pendant cinquante jours, relevant des oscillations dans sa luminosité, signature typique de l’activité sismique d’une naine jaune. De telles analyses devraient permettre de déterminer la structure interne de l’étoile, ainsi que son âge.

     
    En  début du mois de mai 2007, CoRoT commenca sa première phase dédiée à la récolte d’informations scientifiques, le "long run" (LRc01). Cette phase durera cinq mois, pendant lesquels le satellite observera le centre galactique, avec l’espoir d’en apprendre plus sur la présence d’exoplanètes, mais aussi sur leur composition, et la structure de leurs étoiles hôtes.


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  • Le télescope de l’Observatoire François-Xavier Bagnoud (OFXB, Suisse) a été pointé vers GJ 436, une naine rouge  située dans notre galaxie, à environ 30 années-lumière. Cette étoile, relativement proche de nous, est connue depuis 2004 pour abriter une planète, appelée GJ 436b , d’environ 22 masses terrestres, qui orbiterait à environ 4 millions de kilomètres (0,026 fois la distance Terre-Soleil) de son étoile en un peu plus de deux jours et demi. Des observations complémentaires du transit de la planète ont été effectuées avec le satellite WISE et le télescope Euler (Chili). Les données collectées ont permis d’en déterminer le diamètre, qui est estimé à 50 000 km (4 fois celui de la Terre).


    D’après ces caractéristiques, la densité de la planète, et donc sa composition, peuvent être estimées. Si GJ 436b était composée essentiellement d’éléments légers (hydrogène, helium) comme Jupiter et Saturne par exemple, son diamètre serait plus grand ; si au contraire elle était constituée d’éléments lourds (fer, silicium) comme la Terre ou Mars, son diamètre serait bien plus petit. Les chercheurs en ont déduit que la planète devait être essentiellement composée d’eau entourant un coeur rocheux. Deux modèles obtenus par des simulations correspondent à ce qui a été observé : soit le coeur rocheux est entouré d’eau et d’une atmosphère d’hydrogène et d’helium, comme Neptune et Uranus ; soit c’est une "planète-océan", possédant un manteau de glaces sous très hautes pressions et températures  et de l’eau liquide sur toute sa surface. La température en surface de la planète est en effet estimée entre 520 et 620K, et pourrait être bien plus élevée si l’atmosphère permet un effet de serre important.

     

    A gauche la modèle "Neptune chaud", à droite le modèle "planète-océan".


    Cette première détermination de la structure d’une planète lointaine montre qu’il est possible pour des planètes semblables à Neptune ou Uranus, composées essentiellement d’eau, de se former à si petite distance d’une étoile. Beaucoup d’autres exoplanètes déjà découvertes, ayant des masses élevées et un faible rayon d’orbite, pourraient avoir une composition similaire.


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