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Par CND STUDIO le 8 Octobre 2009 à 16:19
Ils ne jouent pas selon les règles normales, car ils n'en ont pas besoin. Si les Etats-Unis préfèrent de plus en plus engager des paramilitaires de la CIA pour se préparer à entrer dans des points chauds globaux comme l'Afghanistan ou l'Irak, c'est parce que l'agence a une longue expérience dans l'envoi de commandos hautement entraînés dans les plus dangereux endroits du monde – parfois longtemps avant des forces combattantes conventionnelles, mais souvent en même temps qu'elles.
La mission des commandos consiste à récolter des renseignements, agir comme observateurs avancés ou effectuer des opérations clandestines que la majorité des formations armées ne sont pas autorisées ou pas capables de mener en raison de leur statut public et de leur profil haut.
"La CIA a une mauvaise réputation. Les gens tendent à penser que si la CIA est impliquée, il doit y avoir une sorte d'intention abominable", relève le lieutenant-colonel Kevin M. McDonnell, commandant du 1er bataillon, 3e groupe de forces spéciales dans l'US Army. Ses soldats ont passé l'essentiel des 6 derniers mois à travailler aux côtés d'agents et d'unités paramilitaires de la CIA dans des opérations contre les guérilleros taliban ou d'Al-Qaïda dans des régions isolées de l'Afghanistan. "Ils sont complémentaires à notre mission. Mais les compétences dans nos rangs sont également complémentaires à leur mission. Ils ne pourraient pas agir ainsi sans nous, et inversement."
Allende et le Shah
La réputation de la CIA en matière de comportement maléfique a prospéré dans les années 70 et 80, lorsque l'agence a été impliquée dans des coups d'Etats, comme celui qui a renversé le leader socialiste chilien Salvador Allende en 1973, des assassinats politiques et le soutien de dictateurs comme le Shah d'Iran Muhammad Reza Pahlavi. L'agence a maintenu un silence tellement prudent sur ses activités qu'il faudra attendre 1997 pour qu'elle reconnaisse officiellement son rôle militaire dans l'attaque de la Baie des Cochons à Cuba en 1961.Sur l'insistance du Congrès, la CIA a entrepris de multiples réformes qui ont fait que ses activités paraissent plus acceptables au public. Des analystes affirment que l'agence essaie aujourd'hui de polir son image en reconnaissant son rôle au début de la campagne militaire en Afghanistan – un aveu rare qui tente en partie de compenser la mauvaise publicité entourant les échecs en matière de renseignement qui ont mené aux attaques du 11 septembre 2001.
Lorsque les bombes américains ont commencé à tomber sur l'Afghanistan voici plus d'une année, les unités paramilitaires de la CIA au sol étaient déjà en train de déterminer les efforts principaux des attaques, la vulnérabilité des défenses ennemies et la meilleure manière de déployer des forces terrestres conventionnelles. Ils interrogeaient des prisonniers à l'emplacement de leur capture pour glaner des renseignements cruciaux du champ de bataille.
Alors que les Etats-Unis s'approchent aujourd'hui d'une confrontation militaire avec l'Irak, la force paramilitaire de la CIA – connue sous le nom de Special Activities Division – se prépare, affirme Charles Heyman, éditeur de Jane's World Armies basé à Londres. "Ces unités sont en Irak depuis un certain temps. Ils serait inconcevable pour elles de ne pas y être", étant donné l'ampleur des préparatifs lancés par l'administration Bush pour une possible attaque.La CIA a décliné tout commentaire. Un porte-parole a précisé que l'agence de renseignement ne discute pas de telles opérations. Sur la base aérienne de Bagram non loin de Kaboul, là où est basé le gros des forces militaires en Afghanistan, aucun effort n'a été fait pour dissimuler la présence d'unités paramilitaires de la CIA en leur sein – ou le fait qu'elles se déploient régulièrement avec les forces conventionnelles dans des missions de combat.
Le colonel Roger King, porte-parole en chef des forces coalisées sous commandement américain en Afghanistan, répond typiquement aux questions sur le rôle militaire de la CIA en confirmant la présence lors des missions de "membres d'autres entités du gouvernement américain." Il semble prendre grand soin à ne pas utiliser le mot "agence".
Il est conseillé aux journalistes de ne pas photographier les agents de la CIA ou de ne pas essayer de les interroger. A plusieurs reprises, des hommes américains en uniformes militaires – mais sans insigne – ont menacé d'abattre les reporters ou les photographes qui les ont rencontrés durant des opérations. Une confrontation de ce type est survenue en novembre dans le nord de l'Afghanistan, peu avant que l'agent paramilitaire de la CIA Johnny "Mike" Spann soit tué dans une bataille avec des prisonniers d'Al-Qaïda et des Taliban. Le colonel King a déclaré que le Pentagone voulait envoyer des reporters avec des unités des forces spéciales durant tout le déploiement en Afghanistan. Mais la présence de "membres d'autres entités" dans ces missions l'a fréquemment rendu impossible.
Ami ou ennemi ?
"Somme toute, l'aspect le plus important de ces opérations est que nul ne sait quelque chose à leur sujet", explique M. Heyman, ajoutant que la CIA ira jusqu'à d'extraordinaires extrémités pour protéger les identités et les activités de ses agents paramilitaires. "L'une de leurs grandes inquiétudes est que l'un de ces types soit tué. Aucun homme n'est irremplaçable, mais ceux-là le sont presque. Ils sont presque les joyaux de la couronne. Ils sont tellement hors de l'ordinaire, tellement importants, que perdre un ou deux d'entre eux peut être un désastre absolu."Le lieutenant-colonel McDonnell a relevé que, dans de nombreux cas, la CIA sélectionne ses agents de la Special Activities Division dans les rangs du personnel affecté aux opérations spéciales – les membres expérimentés des forces spéciales et du détachement Delta de l'US Army, ou des Navy Seals. "Ce ne sont pas des Supermen. Vous seriez probablement surpris de leur normalité", explique-t-il. "Leur point commun est de former un groupe d'un patriotisme inhabituel. Ils ne font pas leur travail pour défiler dans une parade ou pour avoir des histoires à raconter à leurs familles. Ils le font de manière à servir quelque chose de plus grand qu'eux-mêmes."
D'après le colonel King, il n'y a aucune redondance dans le fait d'avoir des forces d'opérations spéciales de la CIA à disposition pour remplir des fonctions qui pourraient être celles d'unités militaires non clandestines. Mais il reconnaît qu'au début de la campagne d'Afghanistan, l'année dernière, il y avait un manque de coordination entre les deux groupes."Il y a un processus de maturation dans n'importe quel théâtre d'opérations. Au début, aucun commandement centralisé n'existait", explique-t-il. Aujourd'hui, "nous avons une bonne coopération" entre la CIA et les militaires US en Afghanistan. "Nous avons une structure spécifique qui ne fait rien d'autre que coordonner" les deux.
D'autres analystes pensent que la compétition est féroce entre la CIA et certaines unités militaires. "Les guerres de clocher entre ces organisations sont horribles. Ils se détestent les uns les autres", affirme un analyste souhaitant conserver l'anonymat. "Mais ils doivent coordonner leurs actions. Autrement, ils pourrait bien finir par mener la même opération ou, pire, se tirer dessus."
La compétition entre le Pentagone et la CIA est devenue si violente, dans les années 90, que le gouvernement américain a sérieusement considéré l'absorption de l'aile paramilitaire de l'agence dans la branche des opérations spéciales au Pentagone, en expliquant que la CIA n'avait aucun besoin de posséder sa propre armée.
L'ancien analyste de la CIA John A. Gentry manifesta par un article en 1995 son désaccord quant à la réforme de l'agence de renseignements. "Les militaires ne peuvent pas faire ce travail. Et des risques majeurs au niveau diplomatique et politique intérieur sont engendrés par l'usage de personnel militaire en uniforme dans des activités" telles que celles accomplies par les unités de la CIA. "Il est important de pouvoir maintenir une dénégation plausible. Utiliser des citoyens-soldats américains, peu capables ou entraînés à dissimuler leur nationalité, réduit abruptement notre aptitude à dissimuler notre implication."
Troupes clandestines
Aujourd'hui, avec le succès largement reconnu des activités paramilitaires de la CIA en Afghanistan, c'est l'inverse qui est proposé : libérer certains membres des opérations spéciales militaires pour leur permettre de travailler temporairement de manière clandestine au sein de la CIA. Les analystes déclarent qu'une telle décision aurait de nombreux avantages.La CIA a moins de problèmes à devoir se justifier vis-à-vis du Congrès que le Pentagone, selon John Pike, directeur du groupe GlobalSecurity.org basé à Washington. "Les capacités et les activités de la CIA sont conçues pour être niées. Elles sont employées dans des pays où le seul fait d'une présence militaire américaine serait dommageable", affirme-t-il. M. Heyman confirme : "C'est terriblement politique. Cela signifie que le Secrétaire à la Défense ou le Président peuvent se tenir devant le Congrès et déclarer ne pas avoir de formations militaires dans une région donnée. La CIA peut faire opérer dans l'isolement."
En plus de l'entraînement rigoureux et de la préparation psychologique reçus par tout le personnel des opérations spéciales, les membres de la Special Activities Division reçoivent un entraînement spécialisé au sein de la Defense Testing Activity de Harvey Point, près de Hertford dans le New Connecticut, et faisant partie du Pentagone. Dans son livre, intitulé "La Chute de la CIA : Les Mémoires d'un guerrier de l'ombre sur les fronts de l'islamisme", l'ancien agent de la CIA Bob Baer a décrit l'instruction à la démolition qu'il a reçue à Harvey Point en utilisant du plastic et d'autres types d'explosifs, durant 4 mois d'entraînement paramilitaire qui ont débuté peu après son recrutement en 1976.
John Pike souligne que l'histoire paramilitaire de la CIA date de la création de l'agence par le National Security Act de 1947, et est même antérieure, lorsque des unités de renseignements paramilitaires formaient la colonne vertébrale de l'OSS durant la Seconde guerre mondiale.Dans le livre "Frères d'armes" de Stephen E. Ambrose, le sergent Robert "Burr" Smith fait allusion à son service au sein de la CIA après avoir combattu avec la compagnie E, au sein de la 101e division aéroportée. Dans une lettre datant de 1979, il a affirmé que son expérience de la Seconde guerre mondiale "l'avait mené à une nouvelle carrière dans une agence du gouvernement, qui à son tour mena à 8 ans au Laos comme conseiller civil d'une large force irrégulière."
Même en Afghanistan, les relations de la CIA avec des forces irrégulières ont créé des problèmes. Dans la ville de Khost au sud-est, au mois de septembre, les chefs de deux milices rivales se sont plaints que quelqu'un des Etats-Unis achetait les deux parties pour gagner leur coopération dans la guerre contre Al-Qaïda et les Taliban. A la place, les milices ont utilisé l'argent pour acheter des armes, qu'elles ensuite employées pour s'affronter mutuellement. Le colonel King a nié toute implication des militaires américains avec de tels versements. Mais il a dit que la dénégation ne s'étendait pas nécessairement à "d'autres entités du gouvernement américain."
Des témoignages publiés ont également lié des entités gouvernementales US à des milices impliquées dans le commerce de l'opium en Afghanistan. Les contrebandiers de drogue peuvent souvent obtenir des informations concernant les achats d'armes et les activités de guérillas, a confirmé le colonel King. Mais il a souligné que les militaires américains avaient une politique stricte exigeant aucun arrangement avec des milices impliquées dans le trafic de drogue. Quant à savoir si cette politique s'étendait à la CIA, il a répondu qu'il "n'était pas leur porte-parole."
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