• L'origine du Satanisme

    Le principe du satanisme est une inversion des dogmes chrétiens qui prône l'adoration du Prince du Mal : Satan, Lucifer, le diable... quel que soit son nom. Cette théologie négative a toujours existé dans le mythe judéo-chrétien mais n’est devenue dualiste qu’à partir des Évangiles et du Nouveau Testament. Le dieu unique de l’Ancien Testament Yahvé se montre parfois redoutable, et comme ses équivalents du Moyen-Orient, il dispose d’agents, malak Yahveh, anges chargés des basses besognes. Parmi eux se trouve un type d’ange, un satan, de la racine hébraïque stn signifiant « l’opposant », « celui qui met un obstacle ». Le terme « satan » est un titre et non pas un nom personnel, ce type d’ange faisant partie de la cour de Dieu comme bene’elohim (« fils de dieu »). 


     Pour comprendre l’évolution de Satan en ange rebelle, il faut se replonger dans la littérature apocryphe apocalyptique d’avant l'ère chrétienne. Les livres d’Enoch décrivent la révolte des anges qui enfreignent la séparation entre le divin et l’humain en s’accouplant aux femmes. En outre, ils apprennent à l’humanité la métallurgie, l’art des bijoux et des cosmétiques. Ici naît l’existence du mal. Un lien est établi entre le sexe, la maîtrise de la technique par l’homme et le mal. L’ange prométhéen, Lucifer, est puni pour sa désobéissance, pour avoir transmis la connaissance charnelle et intellectuelle contre la volonté de Dieu.

     
     Naissance du dogme

    Au début du XXe siècle commencent à émerger des organisations dites lucifériennes, comme la Fraternitas Saturni, le Palladisme de Margiotta et Pike (probablement une invention des écrivains catholiques de l'époque), ou encore l’Astrum Argentum de Crowley. De ces noms, on ne retient souvent que les orgies de drogue et de sexe, ainsi que les doctrines et pratiques ésotériques souvent issues de la Kabbale hébraïque. Cependant, Crowley sortira du lot, créant sa religion thélémite basée sur une gnose hermétique (et qui donnera plus tard naissance à la magie du Chaos de Peter Carroll). Elle laissera une trace par son esprit libertaire.

     
    Il faut attendre Anton Szandor LaVey et sa Bible Satanique en 1969, acte de naissance de la philosophie et religion sataniste, pour parler de satanisme moderne. LaVey avait fondé trois ans auparavant l’Église de Satan à San Francisco, dans un acte symbolique pour rassembler des individus liés par le mythe du Prince des Ténèbres. Car il s’agit bien de la symbolique du mythe de Satan sur lequel le Satanisme moderne fonde sa philosophie : il n'y a ici nulle croyance en une déité nommée Satan. Bien que le terme de religion soit employé, il faut en préciser le sens. Le Satanisme moderne place le sentiment de divinité en soi-même, cultive l’ego, Satan étant l’incarnation des instincts charnels de l’Homme et l‘affirmation de sa volonté. LaVey puise son inspiration de Nietzsche, Darwin, Jung, Reich et de la philosophie objectiviste d’Ayn Rand.

     


     La philosophie sataniste


    LaVey a une idée précise, née de son observation des comportements humains, de la philosophie de vie qu’il veut édicter. Il récupère notamment dans un livre oublié Might is Right de Ragnar Redbeard des éléments pour Le Livre de Satan. La pensée darwiniste (brutalisée) et anti-religieuse de Redbeard convient parfaitement au point de vue satanique; cependant LaVey en expurge toutes les notions raciales propre à Redbeard et à son époque. Le Satanisme moderne base son élitisme sur l’intelligence et non pas sur une prétendue race supérieure. Il signifie une adhésion au principe que toutes nos convictions, nos buts, nos valeurs, nos désirs et nos actions devraient être fondés sur, dérivés de, choisis et validés par un processus rationnel aussi précis et scrupuleux qu’il nous soit possible, en stricte application des lois de la logique.


    Il signifie notre acceptation de la responsabilité de former nos propres jugements et de vivre du travail de notre propre esprit (indépendance). Il signifie que nous ne devrions jamais sacrifier nos opinions aux convictions ou aux désirs irrationnels des autres (intégrité) ; et que nous ne devrions jamais chercher à nous approprier ou à nous octroyer ce que nous ne méritons pas, ou ce qui ne nous revient pas de droit - que ce soit dans le domaine matériel ou spirituel (respect de la propriété individuelle). Il signifie que nous ne devrions jamais désirer d’effets sans causes, et que l’on ne devrait jamais donner naissance à une cause sans assumer pleinement la responsabilité de ses effets ; que nous ne devrions jamais agir comme un zombie, c’est-à-dire sans connaître nos propres buts et motifs ; que nous ne devrions jamais prendre de décisions, nous forger des convictions ou nous approprier des valeurs hors contexte, c’est-à-dire sans tenir compte de la somme totale et intégrée de nos propres connaissances ; et, par-dessus tout, que nous ne devrions jamais tenter de laisser passer une contradiction. Il signifie aussi le rejet de toute forme de mysticisme, c’est-à-dire de toute prétention à une source de connaissance surnaturelle et non sensorielle. Il signifie enfin un engagement à user de la raison, non de manière sporadique ou en l’appliquant seulement dans certaines circonstances, ou dans des cas d’urgence, mais comme une façon de vivre permanente.


     

    LaVey résume ceci avec pragmatisme dans ses onze règles de la Terre : 

    01. Ne donnez pas votre opinion ou vos conseils à moins qu'on ne vous l'ait demandé.


    02. Ne confiez pas vos angoisses ou autres troubles à autrui à moins que vous ne soyez

    certains d'être écouté.


    03. Si vous allez dans la maison d'un autre, montrez-lui du respect, sinon n'y allez pas.


    04. Si un invité dans votre maison vous contrarie ou vous embête, traitez-le cruellement et

    sans pitié.


    05. Ne faites pas d'avances quelles qu'elles soient, à moins que vous ne puissiez réaliser ce

    que vous avancez (ne soyez pas prétentieux).


    06. Ne prenez pas ce qui ne vous appartient pas, à moins que ce bien soulage son

    propriétaire et qu'il veuille s'en défaire.


    07. Reconnaissez le pouvoir de la magie si vous l'avez employée avec succès pour réaliser

    vos désirs. Si vous reniez ces pouvoirs après y avoir fait appel avec succès, vous perdrez tout

     ce que vous aurez obtenu par leur aide.


    08 Ne vous plaignez de rien qui ne vous concerne pas personnellement.


    09. Ne maltraitez pas les enfants.


    10. Ne tuez pas d'animaux, sauf pour vous défendre ou pour vous nourrir.


    11. Quand vous sortez, n'ennuyez personne. Si quelqu'un vous ennuie, dites-lui d'arrêter. S'il

    continue à vous ennuyer, détruisez-le !

     
    De la même façon que l'homme est un autodidacte dans le domaine matériel, il est un « autodidacte dans le domaine spirituel ». Cela signifie que l’on doit mériter le droit de se considérer soi-même comme notre plus grande valeur en réalisant notre propre perfection morale, c’est-à-dire en refusant d’accepter tout code fondé sur des vertus irrationnelles qui seraient impossibles à mettre en pratique. Il faut s’assurer alors d'user de celles qui le sont, en refusant toute culpabilité imméritée, en ne s’y exposant pas et en corrigeant promptement celle que l’on aurait pu mériter. Et enfin, par-dessus tout, la perfection morale s’accomplit en refusant de jouer le rôle d’un animal sacrificiel et en refusant toute doctrine qui prêche l’auto-immolation comme une vertu ou un devoir moral.


    L’individualisme est au centre du satanisme, un individualisme éclairé où l'ego se réalise pleinement - « indulgence au lieu d’abstinence » disait A S. LaVey, « mais pas compulsion », ajoutait-il. Le satanisme place l’humain comme la seule valeur supérieure, en cela il est un concept anti-théos, mais il se bat aussi contre le structuralisme conservateur de nos sociétés modernes qui étouffe l’essence de chaque homme. Le satanisme nie l’égalitarisme « démocratique », le qualifiant de mensonge pieux qui permet aux gouvernants de vendre de la liberté « formelle », posant comme acquis l'idée de tous les hommes égaux en valeur. L’égalité n’est pas une loi de la nature, ni en corps ni en esprit. Selon la doctrine sataniste, malgré son degré d’évolution, l’homme reste un animal, et de par ses instincts la loi de la jungle prévaut sur terre, malgré les bonnes manières « civilisées » de l'homo sapiens. La liberté est le bien le plus précieux pour un sataniste, c’est pourquoi « il est préférable d’être un maître en enfer, qu’un esclave au paradis ! » (John Milton, Paradise Lost, Livre I, vers 263: "Better to reign in Hell than serve in Heaven!").



    Le satanisme moderne se veut une tranchante césure rationnelle avec les tâtonnements occultistes passés, une philosophie de vie où l’humain reprend son trône au divin, essayant ainsi de maitriser le destin des hommes en leur évitant, la misère, la guerre et les souffrances. Le satanisme contemporain pourrait devenir une nouvelle voie pour une mondialisation qui ne soit plus uniquement monétaire. La mondialisation peut permettre la diffusion de valeurs et la promotion de la démocratie.


  • Commentaires

    1
    Lucius Artefakt
    Mardi 17 Novembre 2009 à 19:41
    Bonsoir,
    C'est tr?int?ssant tout cela; cette th?isation de ce qui est tant?raisonn? tant?instinctif".
    Pour ma part, comme ancien th?ogien, ancien pasteur et aujourd'hui "affranchi" et ath?.. mais politiquement engag?je me tourne davantage vers des pr?ptes qui me sont familiers depuis toujours : la consid?tion premi? pour le plus faible (pauvre, malade etc.) et la propri? collective des biens de production, pour le "mieux" du plus grand nombre.
    Si ce que vous pr?ntez est vrai dans les faits, je pense alors que nombre de fameux "poss?nts" (sp?lateurs, boursicoteurs et industriels de toutes esp?s etc) se trouvent ?e, potentiellement, des "satanistes" (qui, bien entendu, respectueux des pr?ptes que vous r?lez, ne le feront jamais ni supposer ni - encore moins - deviner).
    Cela m'inqui?, en ce sens que, encore une fois, m? cette th?ogie "n?tive", comme vous l'appelez - je donnais, pour ma part, une autre acception ?e terme - donnerait donc naissance ?ne religion, semblable aux autres, avec ses textes de r?rence, ses "dogmes" et ses pr?ptes, ainsi m? que sa "liturgie"... ce qui me para? au passage, un peu contradictoire avec cette id?d' "ind?ndance" ?aquelle vous faisiez r?rence.
    Alors... tant qu'?signer" une all?ance, je pr?re celle que j'ai reconnue au Communisme et ?a cause... ath?te.
    Merci pour votre site, encore une fois, documentairement int?ssant.

    Lucius
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