• L'avenir des étoiles à neutrons, naines noires ou autres planètes est plus difficile à prévoir que celui des trous noirs. Il dépend surtout de la durée de vie des particules en jeu, un paramètre qui n'est pas toujours bien connu. En particulier, la question de la stabilité du proton reste largement ouverte. Les théories de grande unification prévoient que le proton est une particule instable qui doit se désintégrer après un temps de l'ordre de 10^31 ans. Mais les expériences menées pour détecter cette désintégration n'ont pour l'instant rien observé.

     

    Cas d'un proton instable

    S'il se révèle que le proton n'est pas une particule stable, les événements se dérouleront assez rapidement, si l'on peut dire. Tous les résidus autres que les trous noirs verront peu à peu leurs baryons se désintégrer en donnant naissance à des électrons, des neutrinos et des photons. Après un temps de l'ordre de la durée de vie du proton, tous les baryons se seront désintégrés et tous les résidus auront disparu. L'Univers ne contiendra plus que des trous noirs, des photons, des neutrinos, des électrons et leurs antiparticules.


    L'avenir très lointain est encore plus difficile à prédire. Il dépend en particulier du comportement de l'électron, qui est peut être également une particule instable.


    Cas d'un proton stable

     Si le proton est une particule stable, l'évolution des objets sera beaucoup plus lente et s'étalera sur des durées qui défient l'imagination. Mais même dans ce cas, la matière ne subsistera pas éternellement.

    En effet, d'après la mécanique quantique, les particules peuvent parfois se comporter comme des ondes. Ceci leur permet d'accomplir des prouesses normalement interdites par la physique classique. C'est par exemple le cas au centre du Soleil, où la fusion de deux protons n'est possible que grâce au caractère ondulatoire des particules. Ces phénomènes de nature purement quantique sont très peu probables, donc rares. Cependant, si on leur donne suffisamment de temps, ils peuvent avoir une influence déterminante.


    La première conséquence de ce type de comportement est la transformation de toute la matière de l'Univers, mis à part les étoiles à neutrons, en fer. En effet, cet élément est le noyau le plus stable de la nature. Pour cette raison, tous les autres noyaux ont pour but ultime de se transformer en fer, les plus gros en se fragmentant, les plus petits en fusionnant. Ce type de transformation n'est pas possible dans des conditions ordinaires de température et de densité. Pourtant, grâce à la mécanique quantique, il arrive qu'un noyau puisse soudain désobéir à la physique classique et spontanément modifier sa structure interne pour se rapprocher du fer.

    De tels événements sont d'une extrême rareté, mais, dans un futur lointain, ils joueront un rôle essentiel. Leur conséquence sera une transformation progressive de toute la matière de l'Univers, excepté celle des étoiles à neutrons, en noyaux de fer. Ce processus s'étalera sur une période incroyablement longue estimée à 10^500 ans.

    La période suivante verra la matière se transformer en neutrons, puis en trous noirs, pour finalement disparaître. En effet, de temps à autre, et toujours grâce à la mécanique quantique, chaque noyau de fer verra l'un de ses protons interagir avec un électron et se transformer en neutron. Avec le temps, ceci conduira à la métamorphose de tous les noyaux de fer en neutrons.

     Simultanément, la mécanique quantique permettra des réarrangements occasionnels dans la structure interne des corps formés de neutrons. Ceci se traduira par une concentration de plus en plus forte qui aboutira finalement à leur transformation en trous noirs. Ces derniers pourront alors s'évaporer rapidement en provoquant la disparition définitive de la matière.

    Ainsi, dans un temps inconcevable de l'ordre de 10 à la puissance 10^76 ans, l'essentiel de la matière aura disparu. L'Univers ne sera plus peuplé que de photons et de neutrinos, avec néanmoins quelques agrégats de matière trop petits pour s'effondrer en trous noirs et disparaître.


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  • Notre quête d'une vision unifiée des forces fondamentales ne s'arrête pas là. Il reste encore une étape à franchir, celle de l'unification de la gravité avec les trois autres interactions : la théorie du Tout. Cette dernière étape est la plus difficile car elle bute sur un obstacle majeur, l'incompatibilité de la relativité générale et de la mécanique quantique. 

    Comme nous l'avons vu, la relativité générale traite de la gravitation et de ses effets à grande échelle, alors que la mécanique quantique décrit le comportement des particules à une échelle microscopique. Les deux théories ont donc des domaines d'application très différents, ce qui explique que toute tentative pour les unifier est particulièrement pénible. Dans les années 1970 et 1980 apparurent des théories qui tentaient avec plus ou moins de succès de surmonter ces difficultés. Comme dans le cas de la grande unification, ces théories sont extrêmement difficiles à départager à l'heure actuelle.

     

     La théorie des supercordes

    Intéressons-nous alors simplement à celle qui est le plus en vogue de nos jours : la théorie des supercordes. Celle-ci se distingue par sa remise en cause du concept de particule. En effet, dans toutes les théories précédentes, les particules élémentaires étaient considérées comme des points dont la taille était strictement égale à zéro. Dans la nouvelle théorie, les particules élémentaires ne sont plus des entités ponctuelles, mais de minuscules cordes en forme de boucles fermées. La taille de ces cordes est infinitésimale, de l'ordre de 10^-35 mètres. Nos meilleurs moyens d'observation sont bien évidemment incapables de mettre en évidence si cette idée est correcte ou non, mais sur le plan théorique, l'hypothèse des cordes permet de réconcilier les principes de la relativité générale et de la mécanique quantique.

     L'une des prédictions de la théorie des supercordes est l'existence de nombreuses particules jamais détectées à ce jour. Comme nous venons de le voir, les particules élémentaires peuvent être classées en deux catégories : les fermions (quarks et leptons) qui constituent la matière, et les bosons (photons, gluons et autres), qui sont responsables des différentes forces. D'après la nouvelle théorie, chaque particule de l'un de ces groupes doit avoir un partenaire dans l'autre, un principe que l'on dénomme supersymétrie. Ainsi, par exemple, le photon et le gluon sont associés à des fermions respectivement appelés le photino et le gluino. De même, les quarks et les électrons ont pour partenaires des bosons appelés les squarks et les sélectrons.

    La théorie des supercordes prévoit que toutes ces nouvelles particules sont extrêmement massives, mais elle ne permet pas de déterminer exactement à quel point. Ainsi, il est possible que la prochaine génération d'accélérateurs puisse mettre en évidence certains partenaires supersymétriques, mais il se peut aussi que ces particules soient trop massives pour être un jour détectées dans une expérience sur Terre. Ces mystérieuses particules sont en tout cas d'excellentes candidates pour expliquer en partie la masse sombre de l'Univers.

      

    Les dimensions de l'Univers

    Un autre aspect de la théorie des supercordes est la remise en cause du nombre de dimensions de l'Univers. Nous sommes habitués à vivre dans un monde à quatre dimensions : trois pour l'espace et une pour le temps. Par contre, la théorie des supercordes ne donne des résultats satisfaisants que si l'Univers possède en fait dix dimensions, une pour le temps et neuf pour l'espace. Le monde qui nous entoure ne nous révèle donc que quatre de ces dimensions, les six autres étant cachées et indétectables.

     Pour comprendre comment l'Univers peut être doté de six dimensions de plus que ce que nous observons, considérons une analogie avec un tuyau d'arrosage. Vu de très loin, un tuyau ressemble simplement à une ligne. Pour définir la position d'un point sur cette ligne, il suffit d'un seul nombre, par exemple la distance à l'une des extrémités. De loin, le tuyau ne possède donc qu'une seule dimension. Par contre, lorsque l'on se rapproche, les détails se font plus précis et la section circulaire apparaît clairement. Pour définir la position d'un point sur la surface, il faut maintenant deux nombres, par exemple une distance et un angle. Vu de près, le tuyau possède clairement deux dimensions.


    Le phénomène vient du fait que l'une des dimensions du tuyau est beaucoup plus petite que l'autre. De la même façon, la présence de 10 dimensions dans notre Univers est tout à fait possible, à condition que six soit repliées sur elles-mêmes et n'aient ainsi qu'une étendue microscopique. La taille de ces dimensions peut être aussi minuscule que 10^-36 mètres, ce qui est bien au-delà de la portée ultime de nos expériences les plus précises et explique pourquoi ces dimensions passent inaperçues.


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  • C'est là que l'inflation intervient. Comme nous l'avons vu, la transition de phase qui clôt cette ère s'accompagne d'une très forte injection d'énergie dans l'Univers. Il s'agit là d'une énergie réelle, que les particules virtuelles vont s'approprier pour entrer dans le monde réel. La fin de l'inflation marque ainsi, à partir du vide, la naissance de la matière que nous connaissons.

    L'asymétrie matière-antimatière 

    Un autre phénomène important qui se produit est l'apparition d'une asymétrie entre matière et antimatière. Comme nous l'avons vu, la période de grande unification est caractérisée par la présence des bosons-X, capables de transformer les leptons en quarks et vice-versa. A la fin de cette période, les interactions forte et électrofaible se dissocient et ces bosons disparaissent peu à peu. La particularité de ce phénomène est qu'il ne respecte pas la symétrie entre matière et antimatière. 

    Après l'inflation, l'Univers s'installe dans un rythme d'expansion beaucoup plus lent, similaire à celui que nous observons de nos jours. Rien de spécial ne se produit jusqu'à 10^-12 seconde. A cette époque, la température est de l'ordre de 10^15 kelvins, le seuil en dessous duquel les interactions électromagnétique et faible ne sont plus unifiées. Les deux forces se dissocient et l'Univers connaît une dernière transition de phase. Contrairement à la précédente, celle-ci se passe en douceur, sans effet majeur. A partir de ce moment, l'Univers est régi par les quatre forces que nous observons encore de nos jours.


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  • Notre description de la naissance de l'Univers ne va hélas pas commencer exactement au temps zéro. Plus l'Univers est proche de sa naissance, plus sa température et sa densité sont élevées. Ainsi, lorsque nous nous approchons du temps zéro, les conditions deviennent de plus en plus extrêmes et les lois de la physique doivent être extrapolées dans des domaines jamais explorés sur Terre.

     

     Les physiciens ont développé au cours du siècle dernier des théories d'unification des forces qui permettent de tenter des extrapolations. Cependant, comme nous l'avons vu, il n'y a pas encore de théorie bien établie d'unification de la gravitation avec les autres forces, seulement quelques bribes de réponses, par exemple la théorie des supercordes. Ainsi, il n'est pas envisageable à l'heure actuelle de décrire les tout premiers instants de l'Univers, lorsque la densité et la température étaient telles que la gravitation et les autres forces ne formaient qu'une interaction unique. L'extrapolation de la physique connue montre que ces conditions extrêmes ont régné lorsque l'Univers était âgé de moins de 10^-43 seconde. Toute la période qui précède, baptisée l'ère de Planck, nous est donc inaccessible.

    Max Planck : Kiel, 1858 - Göttingen , 1947. Découvreur de l'une des constantes fondamentales de la nature, la constante de Planck, l'un des paramètres qui déterminent la durée de l'ère du même nom.



    L'espace-temps 

    Cela ne nous empêche pas d'avoir quelques idées d'ordre général sur la physique de l'Univers à cette époque. Il est ainsi clair que pendant l'ère de Planck notre conception habituelle de l'espace-temps est complètement dépassée. Puisque la gravité doit maintenant se comporter comme les trois autres forces, elle est elle aussi associée à une particule porteuse de l'interaction, appelée le graviton. L'ère de Planck est ainsi animée d'un incessant va-et-vient de gravitons échangés par les diverses particules virtuelles qui peuplent alors l'Univers.


    Cependant, le graviton n'est pas une particule comme les autres. Il est en quelque sorte un concentré de courbure de l'espace-temps. Les successions frénétiques de créations et de disparitions de gravitons se traduisent donc en chaque point par d'importantes fluctuations de la courbure de l'espace-temps. En conséquence, il nous faut rejeter l'image habituelle de l'espace comme tissu élastique bien lisse. Pendant l'ère de Planck, l'espace-temps est plutôt une surface très tourmentée et constamment en changement, une sorte de mousse quantique très agitée, dans laquelle des liens se font et se défont sans arrêt entre des régions très éloignées.


    Ajoutons à ce tableau déjà un peu difficile à visualiser le fait qu'à cette époque les six dimensions d'espace supplémentaires requises par la théorie des supercordes ne sont pas cachées. Toutes les dimensions sont développées de la même manière et les particules évoluent dans un espace à neuf dimensions.

      

    L'instant zéro

    Qu'en est-il de l'instant zéro lui-même ? Là aussi, plusieurs possibilités existent et la situation est loin d'être claire. Dans la vision habituelle des choses, lorsque l'on se rapproche du temps zéro, l'Univers devient de plus en plus dense et chaud, jusqu'à finalement atteindre un état de singularité où la densité et la température atteignent des valeurs infinies.

    Mais d'après une autre théorie, développée par l'Anglais Stephen Hawking et l'Américain James Hartle, une telle singularité n'est pas nécessaire. D'après ces deux théoriciens, lorsque l'on remonte vers l'époque initiale, le temps perd peu à peu le caractère que nous lui connaissons et se transforme en une dimension d'espace. Ainsi, lorsque nous nous rapprochons du temps zéro, la notion de temps elle-même disparaît, ce qui élimine la nécessité d'une singularité initiale - mais n'est guère facile à imaginer.


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  • Pour comprendre les phénomènes qui se sont produits durant le Big Bang, il nous faut encore faire connaissance avec un autre aspect étrange de la mécanique quantique. Nous avons déjà vu que la position et la vitesse d'une particule sont affectées par le principe d'incertitude, qui énonce que ces deux grandeurs ne peuvent être déterminées simultanément avec une précision arbitraire. En fait, le même principe s'applique à l'énergie et au temps. Il n'est pas possible de connaître exactement l'énergie mise en jeu dans un processus quantique et la durée de celui-ci. Là encore, il ne s'agit pas d'un problème technologique, mais d'une propriété intime de la matière. 

    Or, d'après la relativité, l'énergie est équivalente à la masse. La mécanique quantique nous apprend donc que de la masse peut apparaître à partir de rien, exister pendant une durée très brève, puis disparaître. On peut par exemple calculer qu'un électron peut surgir du néant, vivre pendant environ 10^-22 seconde, avant d'y retourner.

    Notons toutefois que si l'énergie peut souffrir d'incertitude, ce n'est pas le cas de la charge électrique. Ainsi, lorsqu'un électron apparaît à partir du vide, il doit nécessairement être accompagné d'un antiélectron pour que la charge totale de l'ensemble reste constante et nulle.

     

    Un nouveau vide

    Les particules qui apparaissent et disparaissent ainsi ont une durée de vie très brève. Elles ne sont donc pas observables et on les qualifie de virtuelles. Leur présence peut néanmoins être détectée par les effets indirects qu'elles induisent sur les particules ordinaires. Ainsi par exemple la possibilité d'avoir un électron isolé dans l'espace n'existe pas. Tout électron est en réalité entouré d'un nuage de particules et d'antiparticules virtuelles qui vont légèrement affecter certaines de ses propriétés. Ce phénomène a été vérifié puisque quelques caractéristiques de l'électron ne se comprennent que si l'on fait appel à l'influence de ce nuage.

    Cette possibilité de création et de disparition de matière change profondément notre vision du monde microscopique. La notion de vide en est tout particulièrement affectée. En effet, le principe d'incertitude implique que même le vide le plus absolu est en fait peuplé d'une myriade de particules et d'antiparticules virtuelles. Le vide, au sens où on l'entend d'habitude, c'est-à-dire l'absence de toute matière, n'existe donc pas. Même lors de la naissance de l'univers, lorsque la matière n'existait pas encore, l'univers était agité d'une succession frénétique de créations et de disparitions de particules de tous les types. C'est d'ailleurs grâce à cela que la matière ordinaire pourra faire son apparition.


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