• Néron, en latin Lucius Domitius Claudius Nero, était le cinquième empereur de Rome. Son personnage est très controversé.La conception la plus répandue en fait un déséquilibré, un monstre sanguinaire. Au regard de certains historiens, les choses sont plus nuancées et Néron serait plutôt un idéaliste à l'esprit chimérique et surtout un mauvais politique.Le nom de Néron est associé au grand incendie qui a ravagé Rome en 64. Mais, Néron a-t-il brûlé sa capitale ?

     
    Néron est né à Antium en 37 de notre ère. Fils d’un patricien, Cneius Domitius Ahenobarbus, il descendait d’Auguste par sa mère, Agrippine la Jeune. Mariée à l’empereur Claude. Celle-ci lui fait adopter Néron (en 50), qui épouse Octavie, fille de Claude, en 53.

    Agrippine fait empoisonner Claude en 54. À sa mort, l’empereur laisse un fils, Britannicus. Mais Agrippine intrigue depuis longtemps pour que le pouvoir revienne au fils qu'elle a eu d'un précédent mariage.
    Et c'est ce fils, Néron, qui est acclamé par les cohortes prétoriennes et confirmé par le sénat dans la fonction de prince. Comme Caligula, dont il est le neveu, il compte, parmi ses ancêtres, Auguste, Livie et Antoine.
    Les cinq premières années de règne sont heureuses et modérées.


     Empereur ou Dieu vivant.

    L’une des difficultés de l’empire, mais non la moindre, concerne la conception de la personne du prince. Les provinces orientales de l'Empire, et certaines provinces occidentales, le considèrent comme un dieu vivant. À Rome, la divinisation du prince inspire plus de répugnance. Auguste et Claude sont devenus des dieux, mais après leur mort. Caligula, qui voulait en être un de son vivant, est mort de cette ambition.

    L'analyse que Néron fait de cette situation s'enrichit des conseils que lui donne son précepteur, le philosophe Sénèque. Un bon prince se doit d'être clément, à la fois par penchant naturel et par volonté politique. S'il règne par cette vertu, les citoyens deviendront progressivement meilleurs.
    Sénèque orne cette vision philosophique du gouvernement de comparaisons choisies : le bon prince se comporte envers son peuple comme les dieux envers les hommes ; il est comme le Soleil, il est comme Apollon.
     
     
    Cette comparaison avec le Soleil, qui est plus qu'une figure de style, rappelle l'étendue du pouvoir des pharaons d'Égypte. Ce pouvoir avait jadis séduit Antoine, l'ancêtre de Néron. L'image peut donc devenir une réalité politique.
    Les premières années, Néron diffère la réalisation de certains aspects de ce programme. Il mène une politique d'entente avec le sénat.

    Le meurtre de Britannicus, en 55, dont on l'accuse sans réelle preuve, et sans doute à tort, ne lui porte pas préjudice. Même ceux qui le soupçonnent d'en être l'auteur comprennent qu'il se soit défait d'un rival potentiel.
    En 59, Agrippine est à son tour assassinée, ce qui ne paraît pas non plus avoir été préjudiciable à Néron, qui avouera lui-même ce matricide, dont il portera, seul, les terribles remords.


     L’âge d’or de Néron

    La même année, délivré de la tutelle maternelle, épris de Poppée, une belle patricienne, Néron inaugure la nouvelle politique dont il rêvait. Elle a été discutée dans un cercle poétique qu'il préside et dont le plus beau fleuron est le poète Lucain.

    L'empereur s'essaie à la poésie et y réussit honnêtement. De plus, il travaille sa voix, dont les inflexions harmonieuses vont bientôt paraître légitimer son pouvoir: le prince se doit d'être un artiste, pour révéler à son peuple les harmonies divines qu'il entend.

     
    A Rome, les acteurs étaient organisés en troupe (Musée archéologique de Naples). © dinosoria.com
    Pour ce faire, il s'impose une telle discipline qu'il est exclu qu'il se soit livré aux orgies dont on l'accuse.
    Dans le courant de l'année 59, il donne des fêtes qu'il appelle «Jeux de la jeunesse » : il y chante ses oeuvres en s'accompagnant à la cithare.

    Puis, en 60, il crée les Neronia. À l'instar des Jeux grecs, ces jeux quinquennaux allient la musique aux exercices gymniques et hippiques. Lui-même y participe. Ce prince poète, initiateur d'un nouvel âge d'or, n'oublie pas qu'il est coupable de matricide. Il choisit d'expier sa faute en interprétant des rôles qui rappellent singulièrement sa vie sur scène, il est Oreste ou Oedipe. Il s'exerce aussi aux courses de char, pour y exceller, tel le Soleil conduisant l'attelage qui éclaire le jour.
     

    C'est une véritable révolution culturelle qui se prépare. Les valeurs du pouvoir, l'art et l'harmonie sur lesquels il entend se régler surprennent les classes dirigeantes. Alors, en 61, refusant toute critique, Néron commence à durcir sa position. En 62, il bannit, puis fait exécuter son épouse, Octavie.
    Elle a sans doute trempé dans quelque complot, et se remarie avec Poppée. En 64, conscient que son programme n'est pas compris des Romains, il va se produire à Naples, ville de culture grecque, où le public lui fait un triomphe.


     L' incendie de Rome

    En juillet 64, le hasard fournit à Néron un spectacle qu'il n'attendait pas car un incendie ravage Rome. Cet incendie particulièrement violent dévaste pendant plus d’une semaine la plus grande partie de la ville.
    La notoriété de ce sinistre tient surtout aux accusations portées contre l’empereur. Sa pyromanie devient alors légendaire.
    Dès le début de la catastrophe, l’opinion cherche des coupables. Le feu s’est répandu avec une telle rapidité que, pour beaucoup, il ne peut être imputé au hasard.Très vite, le peuple romain désigne Néron comme responsable.
    Pour les uns, il désire reconstruire sa capitale et a trouvé ce moyen expéditif pour se débarrasser des vieux quartiers.
    Pour les autres, il a voulu trouver l’inspiration pour la composition de son épopée « la Prise de Troie ».
     

    Devant la vindicte populaire, Néron prend peur. Il faut rapidement désigner un coupable pour apaiser la foule.
    Une petite secte religieuse, les chrétiens, fait un parfait bouc émissaire. Officiellement, ce sont leurs rites mystérieux qui ont mécontenté les dieux de Rome.
    Environ 200 chrétiens sont arrêtés et exécutés.
    Leur martyre devient un spectacle puisque, transformés en torches vivantes, ils illuminent les fêtes données par Néron à son peuple.
    Aujourd’hui, nul ne peut prouver que Néron est responsable de cet incendie. En fait, les historiens modernes sont convaincus de son innocence.
     

    C'est sa hâte à tirer parti de la catastrophe qui le rend suspect. De plus, en sacrifiant des chrétiens pour satisfaire le peuple, qui voulait des coupables, et apaiser les soupçons qui pèsent sur lui, il entre dans l'imagerie qui fait de lui la bête immonde des prophéties et l'antéchrist.

    En réalité, pour éviter à la ville rebâtie de semblables tragédies, il prend des mesures qui allient la sagesse et l'esthétique. S'il est discrédité, c'est qu'il songe à baptiser « Néropolis » la nouvelle ville. Il récupère surtout, en plein centre, de vastes terrains, pour s'y faire construire un palais, qu'il appelle lui-même la Maison dorée. Et ce n'est pas tant le luxe de cette demeure qui choque les Romains que les idées révolutionnaires qui y sont expérimentées.
     Des projets colossaux

    La Maison dorée est d'abord un grand parc. On y voit un lac , des champs de blé, des vignes, des pâturages où paissent des moutons; des bois hantés par des daims et d'autres bêtes sauvages.
    Le vestibule de ce domaine est un péristyle, élevé dans la continuité du Forum, autour d'une statue colossale d'Hélios, qui représente Néron lui-même avec une couronne radiée, haute d'une quarantaine de mètres. Pour réaliser cette Maison dorée, Néron engage des dépenses énormes, et le Trésor, en difficulté depuis longtemps, subit une grave crise.

    En entrant dans ce domaine, il aurait dit : «Je vais enfin commencer à être logé comme un homme. » Ce mot paraît une insolence de plus pour ses opposants.

    Du même coup, les moralistes condamnent les autres projets de l'empereur: le percement du canal de Corinthe, entrepris en 67, abandonné après sa mort, et réalisé seulement en 1893 ; le percement d'un canal entre la Campanie et Rome, à travers les marais Pontins. Là encore, Néron veut réaliser l'incroyable.
     La fin du rêve de Néron

    À force de refuser l'impossible, de se plaire dans la transgression, Néron indispose depuis longtemps les conservateurs. Lorsque, après la mort de Poppée, il feint d'épouser un castrat qui ressemble à la disparue, c'en est trop : en 65, sous la conduite de Calpurnius Pison, une conspiration se forme.
    Ce n'est pas le régime qu'elle met en cause, c'est le prince. Quand il en est informé, Néron est atterré. Il sévit, en homme déçu d'être contraint d'ensanglanter son beau rêve d'harmonie. Lucain, le jeune poète, l'ami d'autrefois, est impliqué. L'empereur l'oblige à se donner la mort. Sénèque, qui depuis quelque temps s'est retiré de la cour, reçoit le même ordre. Il n'était sans doute pas innocent.Un an plus tard, Néron réaffirme son programme.

    À la fin de l'été 66, Néron part pour la Grèce. Il veut participer à tous les concours musicaux, se produire comme acteur et comme cocher dans les jeux ; mais il veut aussi affirmer son attachement à cette terre, en conférant au Péloponnèse une sorte d'autonomie à l'intérieur de l'Empire.
    Pendant qu'il recueille les prix et s'épanouit sous les applaudissements, il ne s'inquiète pas des remous qui bouleversent l'Empire. En Judée, les juifs se révoltent.
     

    À Rome, les mécontents sont nombreux, et, lorsque Néron revient, en triomphateur, il ne perçoit pas l'importance des nouvelles qui lui parviennent des provinces et surtout de la Gaule Lyonnaise, dont le gouverneur, Julius Vindex, vient de se révolter.

    Les événements, désormais, s'enchaînent rapidement. Vindex, qui a pris des contacts avec Galba, gouverneur de l'Espagne du Nord, est écrasé par les légions de Germanie, restées fidèles.
    Mais Galba fait alliance, contre l'empereur, avec Othon, gouverneur du Portugal. Néron prévoit d'aller au-devant des révoltés et de chanter quelques airs de sa composition. Vain soubresaut d'un chimérique espoir d'harmonie. Les rebelles reçoivent bientôt l'appui des légions de Germanie.

    Incapable d'affronter l'échec de son rêve, Néron ne réagit pas. Il laisse les rumeurs courir dans Rome, en particulier celle de sa fuite en Égypte, que croient les cohortes prétoriennes. Le peuple aussi, qui l'aime et le regrettera longtemps, est abusé.

    Abandonné de tous, Néron se donne la mort le 9 juin 69. Il a 31 ans. Ainsi s'achèvent la dynastie julio-claudienne et le règne d'un homme moderne, passionné de nouveautés dans un monde conservateur. Son idéal était généreux, mais intempestif. Son pouvoir était grand, mais il l'employa surtout à venger ses déceptions.

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